lundi 3 décembre 2012

Amazonie (Jour 4 : pêche, camping, caïman)

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Vendredi 2 novembre


Nouveau réveil dans la jungle. Encore les oiseaux, les singes, les insectes. A propos d'insectes, il faut que je vous parle un peu des moustiques. Les moustiques, dans la jungle, c'est infernal. Et encore, ça n'était pas encore la saison des pluies. Le problème, c'est qu'ils sont extrêmement nombreux, extrêmement puissants, extrêmement malins. Du coup, une des premières choses à faire au réveil est s'enduire de repelente anti-moustiques et en asperger ses vêtements, tout en sachant que ça ne les repoussera jamais vraiment, qu'ils viendront sans cesse vous butiner, et surtout que vous allez forcément laisser au moins une faille qui sera exploitée comme un filon d'or. Eh oui, les deux premiers jours je n'ai pas mis d'anti-mosutiques sous mes bracelets au poignet... grave erreur ! J'avais plusieurs piqûres cachées sous les bracelets. Sérieux?! Ils vont partout! Mais bon, pour une raison mystérieuse, alors que chaque piqûre de moustique ou autre insecte se transforme en horrible monticule coloré lorsque je suis en Europe, ici, au Pérou, les piqûres me grattent peu et surtout disparaissent en moins d'une journée. Ce qui fait que chaque matin j'étais prêt pour de nouvelles piqûres, avec ma peau neuve. Ce n'était pas le cas d'Albine et Elise qui les ont accumulées de jour en jour, patiemment, histoire de les ramener jusqu'à Lima dans la douleur et la haine. Personnellement, les moustiques ne me dissuaderont pas de revenir.

Notre magnifique chambre. J'étais dans la moustiquaire bleue :)
Le niveau du fleuve est monté terriblement l'année dernière. Ils vivaient les pieds dans l'eau, durant la saison des pluies. Impressionnant.
Ce jour-là, c'est le jour du camping, qu'on attendait avec excitation. On s'est donc levé dans la joie et la bonne humeur (le plaisir d'être dans la jungle n'est vraiment gâché par les moustiques et la chaleur que quand on est vraiment crevé) et préparé afin de partir durant une journée encore plus au fin fond de nulle part, loin de tout village, de tout lodge. En plus d'Israël, notre guide, nous accompagnait "Negro", un gosse de 15 ans qui voulait devenir guide plus tard et apprenait le job. Je trouve ça coule, comme job. Quand t'es près d'Iquitos, la plupart du temps tu es pêcheur, ou conducteur de mototaxi. Être guide ça change un peu.

Comme peu d'humains passent par là, il fallait parfois se frayer un chemin dans les plantes aquatiques!
Les fascinantes cités des bruyants Cassiques, oiseaux bâtisseurs.
Le lac près duquel nous avons établit notre campement.

Après quelques heures de barque dans la nature sauvage, nous arrivons à un superbe lac où nous nous posons. On met en place les hamacs/moustiquaires au moyen de branches et de lianes attrapées dans la forêt. A un moment, Israël crie "Monos, Monos!!" et nous partons en courant dans la forêt à sa poursuite, et surtout à la poursuite d'une grande colonie de Capucins à Front Blanc, petit singe de 50cm. Ces singes parcourent de nombreux km chaque jour, sautant d'arbre en arbre à la recherche nourriture. Hélas, nous ne parvenons qu'à peine à en apercevoir, car ils s'enfuient plus vite que nous courons. C'est pas grave, courir comme des fous dans la jungle, c'est une expérience exaltante !


Puis vient le moment de se nourrir. Mais bien sûr, puisque nous faisons du camping sauvage dans la jungle, on n'a pas emmené de tupperware : il faut pêcher pour manger. Principe très sympathique qui nous ramène à nos racines de cueilleurs-chasseurs. J'aime ! Nous fabriquons donc des cannes à pêche à partir de boit pris dans la forêt (la forêt nous offre tout ce qu'il nous faut pour vivre, c'est incroyable!) et nous prenons la barque pour aller nous poser dans un cours d'eau où l'on pense trouver plein de poissons.

Un peu de pêche sur le bord de l'eau, en écoutant les aras crier, avant de reprendre la barque.
En effet, ça grouille! Dès que je mets mon appât dans l'eau, ça mord. Après, les piranhas et autres poissons-chats sont intelligents et parviennent souvent à voler notre morceau de poisson sans se faire pécho par l'hameçon. Mais ça ne m'empêche pas de pêcher un peu moins de dix poissons! Surtout des piranhas, mais aussi un poisson-chat et autre sabado. Les autres réussissent beaucoup moins sur ce coup-là, par conséquent c'est moi qui ait pêché le repas, ah ah! En fait, il faut avoir le réflexe de sortir la ligne de l'eau dès que ça mord, mais souvent le poisson s'enfuit à temps, ou alors il sort de l'eau, se débat et y retourne. Cependant, il arrive que le réflexe soit assez bon et le poisson assez peu doué pour qu'il ne mange pas l’appât et se prenne dans l'hameçon. En ce cas, j'ai souvent le joyeux réflexe de projeter le piranhas en direction de la barque, si possible dans la figure de quelqu'un, de m'excuser pour l'attaque, tout en m'empalant les doigts sur l'hameçon en évitant les dents des piranhas ou les épines des autres poissons. Et c'est bon, la pêche est prolifique!

Partout tout le temps en Amazonie, l'énorme Martin-Pêcheur à ventre roux nous accompagne. On pêche ensemble, quoi.
Quand il n'y a plus d'appât, il faut couper un de nos poissons.

Après un temps indéterminé (un heure? Deux heures? trois heures?) de pêche paisible mais fatigante, nous rentrons préparer le poisson (avec du riz, qu'on avait quand même ramené). Au début, ils veulent tout préparer, sans qu'on les aide, mais au final, on réussi à participer. Elise s'occupe notamment de préparer les piranhas, et je m'occupe notamment de couper des troncs d'arbre à la machette. AH AH AH ! Eh bien couper des troncs d'arbres à la machette au coin du feu dans la jungle à 15h, déjà ça tient extrêmement chaud, ensuite c'est profondément épuisant parce que j'ai fait ça pendant au moins 15 minutes non stop ! Au final j'ai coupé la deuxième moitié du premier tronc d'arbre pour le feu, et la première moitié du deuxième tronc. Yeah ! Puis on a pu faire cuire les poissons et les manger avec joie, parce que, comme je l'ai déjà dit, les piranhas c'est excellent !
Le campement dans la jungle.
Après un bon repas, les deux guides vont dormir dans la barque, Elise et Albine faire la sieste dans leurs hamacs, et moi je pars en expédition pour aller observer le Kamichi Cornu. Qu'est-ce qu'un Kamichi Cornu? C'est un énorme oiseau ressemblant vaguement à une oie assez moche, et qui produit des bruits impressionnants quand il le désire, notamment quand je pars en expédition pour observer la nature. Du coup, tout le "quartier" était prévenu et s'est caché. J'ai juste pu voir cette sale bête au sommet d'un immense arbre, en train d'alerter tout le monde. Je vous suggère d'aller taper "Horned  Screamer" sur youtube pour découvrir cet animal fascinant et profondément bruyant. Mais bon, j'ai pu profiter du paysage, alors c'pas très grave.

La jungle, c'est joli!
Il y a de mignonnes araignées, dans la jungle.
Et puis vient la nuit (avec comme d'hab un superbe coucher de Soleil). Et forcément, au milieu de la jungle au bord d'un lac, que fait-on la nuit? On cherche des caïmans. Et c'est parti mon kiki! Eh oui, tout simplement. Alors autant le jour, le matin et le soir, la jungle est magnifique, superbe, stylée, belle, toussah, autant la nuit, elle est glauque et lugubre. Les arbres morts qui trainent dans l'eau, éclairés à la lueur d'une lampe de poche, c'est classieux, mais c'est pas funky. C'est même légèrement flippant de se balader en barque sur une rivière à la recherche des yeux rouges luisant dans l'obscurité qui annoncent la présence d'un caïman. Au début, ça allait, même pas peur, mais quand on éteint le moteur et qu'il n'y a plus que le silence et le déplacement de la lumière de lampe de poche vers les herbes que nous frôlons... ça devient impressionnant. Mais bon, j'ai confiance en notre guide.

L'ambiance (quand il faisait encore pas tout à fait nuit noire) !
Un truc trocoule la nuit, dans les herbes aquatiques, c'est qu'elles sont très fournies en lucioles. Du coup, quand on passe au milieu des herbes, celles-ci s'illuminent telles des guirlandes, tout autour de la barque. Ca fait un peu "Sylvains" de Mononoke. Ambiance magique, poétique. D'autant plus que ça ne dure qu'un instant, puis revient le noir. C'est beau. Mais bon, nous on cherche les caïmans, pas les lucioles. Au bout d'un long moment, nous voyons enfin les yeux rouges...puis ils disparaissent. Dommage, nous n'avons pas vraiment vu la bête. A un autre moment, notre guide nous fait signe de ne plus faire un bruit, et guide la barque vers des herbes qui nous paraissent quelconques... soudainement, il dégaine sa machette et la projette dans l'eau.

Il y plonge la main et en sort d'un alligator d'1m50, la gorge légèrement tranchée. Puissant, le guide. Le caïman est posé à nos pieds, sa tête près de mes bottes, et il bouge encore un peu, mais il n'est plus assez vivant pour m'attaquer :) tant mieux? Avec Albine et Elise nous nous sentons triste et vaguement coupables de voir un tel animal mort à nos pieds, sous nos yeux. Mais bon, c'est pas comme si on avait su qu'Israël allait chasser un caïman ou qu'on ait pu l'empêcher. Mais ça faisait un peu braconnage, la nuit...


C'est le moment d'un petit topo sur les caïmans et leurs cousins. En effet, je suppose que personne ici ne sait vraiment ce qui les différencie des crocodiles et autres alligators. 
Le point Crocodiliens :
Les crocodiliens sont un ordre de reptiles, au même titre que les tortues. Cet ordre se divise en trois familles :
_les Crocodiles, 13 espèces vivant dans toute l'Afrique du sud du Sahara, en Asie du Sud-Est (du sous continent Indien au nord de l'Australie) et en Amérique Centrale (de la Floride au Nord du Pérou). Parmi les crocodiles, on peut parler du Crocodile Américain (5 à 7 mètres de long) en voie de disparition, du fameux Crocodile du Nil (4 à 6 mètres) et surtout du Crocodile Marin, vivent de l'Inde à l’Australie et étant le plus grand crocodile et le plus lourd reptile du monde, pouvant atteindre plus de 9 mètres et 1 tonne.
 _les Gavials ou plutôt le gavial du Gange, seul représentant de sa famille. Vivant en Asie du Sud, il est impossible de le confondre avec un autre crocodilien, son musée étant extrêmement fin.
_les Alligators et Caïmans, 8 espèces, dont 2 Alligators (celui d'Amérique en Louisiane et Floride et un peu de Mexique et celui de Chine : les alligators ne vivent donc que dans trois pays au monde) au museau plus large que les crocodiles et de couleur plus sombre et dont on ne peut voir que les dents supérieurs lorsqu'ils ferment la mâchoire (on peut aussi voir les inférieures chez les crocodiles), d'une longueur moyenne de 4mètres. Dans cette famille se trouvent aussi les 6 espèces de Caïmans, ce qui nous intéresse là tout de suite. Les Caïmans ont la tête plus large et plus courte que les crocodiles et sont repartis en trois familles : les 2 petits Caïmans dont le Caïman de Schneider de 2m30 au maximum, qu'on n'a hélas pas croisé, le Caïman Noir, vivant en Amazonie et pouvant, comme le crocodile de mer atteindre plus de 7m de long (mais hélas on n'en a pas croisé non plus alors qu'ils vivent aussi partout en Amazonie) et les 3 Caïmans caïmans dont le Caïman à Lunettes, qui est celui qui gisait à mes pieds cette nuit-là.

Le Caïman à Lunettes vit dans tout l'Amérique du Sud, du Mexique à la Bolivie. Et en fait, il s'agit du crocodilien le plus courant, donc on n'a pas massacré une bestiole en voie de disparition, ça va, même si au Pérou sa population ne se porte pas aussi bien, dans le coin où on était il y en a des dizaines et des dizaines. Après avoir chassé un adulte, nous avons continué à chercher des caïmans dans la nuit, notamment les deux autres espèces du coin (celui de Schneider et le Noir). A la lumière de la lampe de poche, on aperçoit parfois des tas de poissons grouiller à la surface de l'eau, dont de grosses anguilles électriques, dangereuses. Finalement nous ne rencontrons qu'un jeune Caïman à Lunettes. Israël le chope, pour qu'il puisse nous en parler et qu'on le caresse. J'adoooore toucher les reptiles !

Quelques infos sur le Caïman à Lunettes. En général, ils font 2 mètres et pèsent 60kg. Ils peuvent faire des bébés à partir de 5 ans, environ, parce que oui, un crocodile ça vit très longtemps (50 ans, environ, souvent). En général les Caïmans se reproduisent durant la saison des pluies et les mamans peuvent s'occuper d'un nid de plusieurs dizaines de bébé. Une bonne partie meurt (notamment parce qu'elles les abandonne assez vite), mais malgré tout pas mal survivent, d'où le fait que cette espèce soit suprarépandue (il y en a environ 4 millions au Venezuela...). La chaleur des jungles permet d'incuber les oeufs, mais surtout de déterminer le sexe des futurs caïmans, puisqu'ils n'ont pas de gène déterminant le sexe. Si le nid est à 31°C ou moins, le bébé naîtra mâle, sinon il sera femelle. Stylé! Les Caïmans font des crèches afin qu'une maman puisse s'occuper de plusieurs progénitures, pendant que les autres cherchent la nourriture. Mais comme je l'ai dit, ça dure un temps limité : après 3 mois, en général, les enfants sont abandonnés et vont vivre leur vie de bébé caïman.


Notre guide n'avait pas tué le Caïman pour rien, par pure joie sanguinaire, étant donné qu'il s'agit d'une agence écologique et tout, ça aurait été un peu bizarre. Non non, il s'agissait tout simplement d'avoir à manger. Eh oui, le Caïman se mange, évidemment. Après un début de nuit sur l'eau à chercher des Caïmans, nous rentrons au campement, afin de manger un repas frugal et pour Israël de préparer le fruit de sa chasse. Comment prépare-t-on du caïman? En le faisant fumer toute la nuit au dessus du feu. Nous regardons tristement le caïman se faire couper en morceaux, puis nous allons nous coucher au milieu de la jungle, dans des hamacs. Plutôt cool, même si j'étais trop excité et content pour pouvoir m'endormir facilement. J'aime vraiment énormément dormir dans la jungle... les bruits sont étranges et fabuleux. C'est magique!

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