|
Aux environs de Trujillo, le désert.. |
|
Au loin, la Huaca del Sol. Oui, on dirait juste une colline, mais en vrai c'était une immense pyramid. |
Après la visite de Chan Chan, nous
avons repris un combi vers la ville, retrouvé Miguel, Stefania, Marina
et Nicolas, puis dans l'aprem nous sommes partis voir les Huacas del Sol
y de la Luna, autre site archéologique péruvien de très grande
importance, situé au sud de Trujillo, également à environ une
demie-heure de combi.
Alors
que Chan Chan date de l'époque Chimu (donc après 900), ces Huacas
(Huacas étant un mot Quechua aux diverses significations, celle d'ici
étant lieu de culte, comme la Huaca Pucllana de Lima, etc.) datent de
l'époque Moche, antérieure.
La
culture Moche ou culture Mochica s'est étendue sur toute la côte nord
du Pérou, entre 100 et 700 après J.C, sur un territoire de près de 600km
de long. En même temps que la fameuse culture Nazca qui occupait la
côte sud et a fait les géoglyphes connus. La ville de Moche, un des
principaux centres de cette culture, si ce n'est sa capitale, se
trouvait aux alentours de l'actuelle Trujillo, entre la Huaca del Sol et
la Huaca de la Luna. C'est de ça dont je vais vous parler.
|
La ville de Moche, vue de la Huaca de la Luna, avec la Huaca del Sol au fond. |
|
Ce à quoi ça ressemblait, en théorie. A une ville, en fait. |
Actuellement, il ne reste de cette ville que des ruines, entre les Huacas encore visibles. Mais ces ruines sont toujours en pleine investigation (comme d'hab. peut être qu'il faudrait que j'arrête de le préciser), du coup il en reste à découvrir. En tant que grande ville, elle abritait aussi bien des nobles que des prêtres, des guerriers, des administrateurs et des habitants normaux (commerçants, artisans...). Hélas, elle fut rudement endommagée par un phénomène d'El Niño vers l'an 700 et abandonnée. Quand je vous disait que ces phénomènes étaient violents... De plus, à ce moment là, de nombreux tremblements de terre ravagent la région.
Point Lapsos Criticos : Notre prof d'Histoire du Pérou préhispannique nous parle régulièrement de ce qu'il appelle Lapsos Criticos, Lacunes critiques, écarts critiques, défaillances critiques ou que sais-je. On n'en parle pas en Français... Notre prof est un peu un éco-historien, enfin historien de l'écologie, c'est pas encore très répandu sur terre. Bon, qu'est-ce qu'un lapso critico? Selon sa thèse, il s'agit d'une altération générale de la nature. Dans un laps de temps relativement court (10-50 ans), de nombreuses catastrophes naturelles ont lieu, telles que des éruptions volcaniques, tremblements de terre, sécheresses, pluies diluviennes, phénomènes d'elle Niño, associées à des crises sociales telles que des maladies (pestes...), des guerres récurrentes etc. Ainsi, c'est une période assez violente et tragique où l'environnement et les sociétés humaines sont bouleversées, provoquant souvent un changement important dans les cultures de l'époque. Dans le cas présent, un lapso critico aurait poussé les Moches à abandonner leurs cités vers 700 et la culture en déliquescence aurait fini par disparaître au profit de nouvelles cultures.
Mais avant ça, les Moches ayant un grand royaume, un autre important site Moche se trouve dans une région plus au nord, il faudra qu'on le visite :) Mais les deux centres étant éloignés, cela prouve la bonne organisation du royaume. La Huaca del Sol était probablement le centre administratif et politique de l'Etat. Comme souvent au Pérou et dans le monde, les différentes classes étaient réparties par quartiers. Ici, les classes les plus importantes (prêtres, guerriers, administrateurs) étaient les plus proches de la Huaca del Sol, et les plus basses étaient les plus éloignées.
|
Chaque famille mettait son motif personnel sur ses adobes. |
Les Moches avaient un niveau technologique plutôt élevé dans divers domaines tels que l'irrigation et la métallurgie. Vivant dans le désert, ils n'avaient pas trop le choix. Du coup, leur production agricole était même excédentaire, ce qui leur permettait de faire du commerce avec les peuples des Andes voire de l'Amazonie. Pour la métallurgie, les alliages de cuivre et d'argent ou de cuivre et d'or étaient pratiqués. Leur technique de dorure du cuivre a été plus efficaces que les techniques européennes jusqu'à la fin du XVIIIème. Comme je l'ai déjà dit, le Pérou n'a pas connu l'écriture avant l'arrivée des Conquistadors. Du coup, ce sont les poteries qui aident le plus souvent à comprendre la vie des antiques peuples. Les poteries Moches sont extrêmement perfectionnées et soignées par rapport à celles d'autres peuples (ornées parfois de nacre ou d'or, par exemple....).
Un certain nombre de poteries érotiques est particulièrement célèbre, mais je n'ai pas encore été dans le musée les conservant.
|
La Huaca del Sol |
Le site archéologique se compose donc de la Huaca del Sol, de la Huaca de la Luna et de la ville Moche entre les deux. On pourrait croire que la Huaca del Sol est un temple du Soleil, mais en fait non,ce nom a été trouvé par les colons espagnols qui pensaient que toutes les cultures étaient incas et vénéraient donc le soleil. Tropas. L'ancien nom est inconnu, en fait. Encore une fois, c'est une construction d'adobe. La Huaca del Sol fut commencée vers l'an 100, mais, comme la Huaca de la Luna dont je parlerai après, un nouvel étage était sans doute régulièrement construit, et ce jusqu'aux environs de l'an 700.
Mais cette immense édifice n'a pas encore fait l'objet de fouilles, du coup on n'en sait pas grand chose, et on n'en est pas sûr. On sait juste que c'est la plus grande pyramide d'Amérique, à la base, mais que, hélas, el Niño et les Espagnols l'ont énormément endommagée, du coup elle n'a plus tellement la classe. On suppose que cet immense bâtiment servait de centre administratif et de tombe pour les rois. Lolilol, cessez de supposer et faites des fouilles, bon sang ! C'est très frustrant, je trouve, un site qui n'est pas encore fouillé. Mais au moins le métier d'archéologue est pas près de disparaître. Avis aux intéressés.
|
Dans la Huaca de la Luna |
|
Les différents niveaux, construits les uns sur/autour des autres |
La Huaca de la Luna, en revanche, est plutôt bien fouillée. Et elle est impressionnante. Vraiment, un choc et une surprise de taille. Mais avant de tout vous montrer, un peu d'histoire. Encore une fois, le nom est hs et donné par des sauvages qui n'y connaissent rien. Et encore une fois c'est de l'adobe, et construit à partir de 100 après J.C. C'est une pyramide à étages, ce qui est plus visible que le gros bloc ressemblant à une colline de la Huaca del Sol. Un fait intéressant est que la Huaca de la Luna (et donc peut être celle del Sol) n'a jamais cessé d'être construite. Tous les 100 ans, environ, l'étage le plus haut de la pyramide était condamné, les couloirs étaient bouchés, et on élargissait la base et construisait un nouvel étage sur le précédent, élevant la rampe d'accès etc. Au final, vers 700, à la fin des Moches, la pyramide comptait 5 ou 6 étages.
|
Une autre méthode que l'adobe vertical : les morceaux de murs légèrement séparés qui bougent individuellement lors des tremblements de terre. Pas mal, hein, toutes ces techniques précolombiennes antisismiques? |
|
Les Moche étaient fans des dichotomies, ici on a donc l'Aigle Pêcher et le Poisson pêché. |
La Huaca de la Luna était le centre
religieux du royaume, horné de magnifiques fresques mythologiques
colorés sur les murs intérieurs et extérieurs. Là est l'intérêt de ce
site... les couleurs sont restées. Eh oui. Et croyez-moi, c'est quelque
chose de voir les authentiques couleurs et fresques, datant d'il y a
plus de 1000 ans. J'ai tellement l'habitude de voir les habitations et
autres temples grecs ou péruviens sans leurs couleurs et peintures
d'origine que j'imaginais pas qu'il y avait des endroits où elles
s'étaient conservées. Ça m'a marqué.
|
Les jolies couleurs d'époque =D |
|
Le Dieu Suprême Ai-apaec ! |
Le dieu suprême se nommait
Ai-apaec, créateur et "décapiteur" (
El Degollador
en espagnol), souvent représenté, parfois sous la forme d'une araignée,
ou d'autres monstres. On le voit toujours, sous sa forme humaine,
tenant dans une main un
couteau, et de l'autre une tête tenue par les cheveux. Charmant. On a
retrouvé les restes de 40 guerriers sacrifiés aux environs de l'autel
cérémoniel de l'étage supérieur du temple, donc oui oui oui, il y avait
un paquet de sacrifices humains.
Petite anecdote sur la vie en pays Moche : afin de porter chance au
peuple et aux rois, ils organisaient des combats rituels entre leurs
guerriers. Le but n'était pas de s'entretuer (ça serait
contreproductif), mais de se capture. Le guerrier vainqueur attrapait le
perdant, le mettait tout nu et tous les perdants faisaient une
procession jusqu'à une grande salle. Là, ils étaient égorgés (ah, quand
même!) et leur sang était récolté dans une coupe que le Roi/Prêtre
ultime amenait au promontoire ci-contre afin de la montrer au ciel et au
peuple réuni sur la grand place. Ouh yeah !
|
Les différents siècles du temple, construits les uns sur les autres. |
|
On peut apercevoir des endroits où les adobes sont numérotés pour bien savoir d'où ils viennent et où les mettre. |
|
On approche de l'endroit le plus impressionnant de l'endroit. Cette
photo est prise de la place où se réunissait le peuple lors des
cérémonies. En face, la Huaca de la Luna, malheureusement protégée, donc
on ne peut la voir dans toute sa splendeur, mais on voit que c'est une
pyramide à degrés. |
|
Et voila, c'est parti pour une galerie des peintures de la façade du temple !!! |
|
En gros, ce à quoi ça ressemblait. |
|
Une mystérieuse stèle dont on ignore le sens. Peut être une cosmogonie? |
|
Devant le Mur :) |
|
Reconstitution hypothétique de ce à quoi ressemblait ce beau temple, à la fin de sa vie. |
|
Petites images du Pérou, en s'éloignant du site, avec les Andes dans le lointain ♥ |
En Bonus : Le Chien Péruvien : un chien sans poils sauf une touffe sur la tête,
plutôt moche mais avec une température corporelle très élevée. On s'en
sert donc pour soigner les rhumatismes ou avoir chaud en hiver. Tout
site archéologique du Pérou doit en posséder au moins un, si j'ai bien
compris. Quant à savoir pourquoi... patrimoine national?